Bastoni di saina

Je fais des bâtons de marche et de randonnée en Genévrier de Phénicie, en Saïna en langage local

Glossaire

Bâtons de randonnée
Parlons de bâtons de marche et de bâtons de randonnée. Je crois que la plupart des randonneurs qui utilisent des bâtons utilisent des bâtons de marche nordique. Loin de moi l’idée de dévaloriser la marche nordique : c’est évidemment une source de bonne santé. Mais la marche nordique se pratique sur des pistes plates avec des bâtons dont la prise de main est à une position déterminée et un gantelet pour être sûr que vous ne vous en échapperez pas !
En randonnée, on est dans un contexte complètement différent. On est sur des chemins qui ne sont pas plats du tout, sur des cailloux, sur des rochers et le fait de fixer la hauteur de la prise de main n’a pas de sens. Je serre le bâton dans le creux entre le pouce et l’index ce qui me permet de passer par réflexe d’une hauteur à une autre. J’ai une marche à descendre, pop !, je remonte ma prise de main ; j’ai une marche à monter, pop !, je descends ma prise de main ; j’ai un gué à passer, pop !, je mets la main sur le pommeau du bâton pour avoir le maximum de hauteur disponible.
L’autre problème des bâtons de marche nordique en randonnée, c’est qu’ils sont deux. Même si deux bâtons c'est mieux pour l’aspect marche, ce n’est pas adapté quand on a besoin d’une main pour tenir le GPS, la carte, la gourde, le sachet d’amandes, que sais-je ? Mobiliser ses deux mains pour des bâtons, c’est probablement excessif en randonnée.
Quant à la taille des bâtons de randonnée, je les préfère hauts : pour les passages difficiles, pour pousser la salsepareille, pour chasser les vaches sauvages, etc. Ceci vaut indépendamment de la taille de son utilisatrice ou de son utilisateur. Il y a cependant une vraie bonne raison de les préférer courts : le coffre de la voiture !
Créativité
Le beau c’est le laid.
Les branches que j’utilise viennent des hasards de l’entretien de chez mes voisins et je fais avec ce que je trouve. J’espère à chaque fois que le rameau sera fort, régulier, totalement sain mais cela n’arrive pas souvent. Si oui, alors tout coule. Au moment de la taille je n’ai qu’à homogénéiser le diamètre. L’objet est beau de par sa matière ; ses qualités fonctionnelles sont extravagantes pour un bâton de bois et il ressemble à un bâton de marche : super !
Revenons au cas général qui est plus compliqué : lorsque je gratte la branche, je découvre qu’elle est tordue, pourrie et qu’elle a des gros nœuds. Là, si en plus elle est fine, bof !
Mais si la branche est grosse, alors les défauts…, ne sont pas des défauts ! La pourriture je l’enlève. Cela fait un trou mais le reste autour étant bon, il n’y a pas de faiblesse. Là où c’est tordu je garde le plus de matière possible pour la rigidité. Les gros nœuds je les laisse comme une excroissance. Il se produit alors un truc extravaguant : le bâton est plus beau ! Un petit coup de délire dans les formes, un grattage soigneux pour faire ressortir toutes les veines du bois et miracle, c’est carrément joli et même agréable à caresser !
Embouts
Les embouts de mes bâtons proviennent du site lacasadelassetas.com. Mon plus utilisé est leur référence LCS1692, un embout monobloc galvanisé que l'on peut simplement emboutir. On le ressort facilement avec un gros tournevis et un marteau.
Dans le cas particulier des bâtons très fins je pose des embouts de marche nordique en plastique et tungstène.
Huile de lin
L’huile De Lin Clarifiée Qualité Beaux-Arts Lefranc Bourgeois est facile à utiliser. Elle s’éclaircit quand elle est stockée au soleil.
Pour l’appliquer je vous propose ma méthode :
- Re-poncer fin entre chaque couche (voir Ponçage fin).
- Sortir au jardin et remplir un seau d’eau avec un peu de liquide vaisselle. Poser une serviette à coté.
- Préparer aussi un support propre et un chiffon absorbant.
- Verser des gouttes d’huile et les étaler à la main partout sur le bâton.
- Poser le bâton sur le support pendant cinq à dix minutes.
- Pendant ce temps, se laver les mains dans le seau puis s’essuyer avec la serviette : c'était prévu !
- Frotter ensuite énergiquement le bâton avec le chiffon pour y enlever le maximum d’huile.
- Attendre au moins une semaine avant une nouvelle couche.
Ponçages
Une fois poncé-huilé à la fabrication le bâton est parti pour durer une vie sans autre entretien que d'en remplacer l’embout tous les mille kilomètres.
Bon, on ne sait jamais, alors voici quelques explications.
Lissage
Si besoin je lisse le bâton en le grattant perpendiculairement avec un Cutter. Le FatMax 25 mm est de rigueur.
Gros ponçage ou bien « brut de taille » ?
En général, je fais au papier de verre entre 40 et 80 un ponçage qui gomme complètement les marques de couteau. Le bâton devient alors cylindrique et le travail préalable au couteau ne s’y exprime qu’indirectement par la pleine révélation des veines du bois.
Cependant la taille du bâton est le savoir faire le plus déterminant et quelque part cette étape l’invisibilise alors de temps en temps je la saute en laissant observables les coups de couteau. Appelons ça le « brut de taille ». C’est autre chose…
Ponçage fin
La finition avant une couche d’huile se fait avec du papier de verre de 240 ou avec un tampon abrasif non-tissé adapté au bois peint. La laine d’acier est à proscrire car elle tâche le bois en profondeur. Pour terminer je rince, sèche et brosse le bâton pour enlever toute trace de sciure.
Pourriture
La pourriture des Genévriers de Phénicie est lente, cardiaque et compartimentée. Tout est dit mais si vous voulez je détaille…
La pourriture est causée par des champignons et des bactéries. Elle progresse lentement mais sûrement et touche tous les individus. Elle est insignifiante sur les jeunes arbres, visible sur les arbres adultes et provoque des cassures sur les plus vieux. Elle s’arrête quand la branche est coupée et mise au sec.
Elle touche le bois de cœur. En taillant une branche saine au premier regard il m’arrive de tomber sur des trous poussiéreux à l’intérieur. A cet endroit, le bois est évidement inutilisable. Dans une première phase la pourriture colore le bois en rouge et l’affaiblit mais permet encore d’en faire quelque chose. Ce bois moins robuste mais de caractère produit de beaux bâtons de marche.
Je finis par la bonne nouvelle : la pourriture est très localisée. A coté le bois reste intact et du bois de Saïna sain, je vous l’ai dit, je ne connais pas mieux. Vous comprenez maintenant pourquoi il y a des trous dans certains de mes bâtons !
Rigidité
Beaucoup de bâtons que je réalise pèchent par leur trop grande flexibilité. Ce peut être dû à un retors du bois mais plus généralement c’est plutôt sa finesse qui est en cause. En mesurant le diamètre du bâton dix centimètres au-dessus de sa pointe la limite de rigidité confortable se situe vers les 1,6 cm et la limite d’usabilité vers les 1,3 cm.
Pour faire un bâton rigide il faut partir d’une branche d’un bon diamètre assez droite et régulière sur la longueur voulue. Ce préliminaire rempli il reste un choix à faire sur la quantité de bois que l’on enlève, entre rigidité et légèreté. Je me fixe de rester toujours au-dessous de 700 g.
J’ai une anecdote. Une branche va naturellement en s’affinant de sa base à son extrémité distale et mes premiers bâtons étaient pareils, forts à la poignée et fins à la pointe. J’ai bien vu que si le haut est trop lourd à chaque planté il agit comme un marteau et fait vibrer désagréablement le bas, d’où l’ébauche de l’idée d’affiner le haut. Je me suis ainsi rendu compte que l’on gagne en poids sans perdre en rigidité en homogénéisant plus le diamètre du bâton. J’ai même compris récemment que la rigidité du bâton n’était corrélée qu’au diamètre de la partie au-dessous de la prise de main. On peut par exemple faire un bâton léger et rigide de 1,5 m avec un diamètre suffisant dans le mètre coté pointe et au‑dessus un diamètre fin.